Vous avez l’impression que vos corps flottants deviennent plus visibles lorsque vous êtes stressé ou anxieux ? Ce n’est pas qu’une sensation. Le stress modifie la façon dont votre cerveau traite les stimuli visuels, rendant ces taches et filaments plus présents dans votre champ de vision. Ce phénomène repose sur plusieurs mécanismes neurologiques bien connus.
Notre cerveau est conçu pour filtrer en permanence les informations sensorielles inutiles. Ce processus, appelé habituation perceptive, permet par exemple d’ignorer un bruit de fond après un certain temps. En conditions normales, ce mécanisme aide à atténuer la perception des corps flottants.
Mais sous l’effet du stress et de l’anxiété, ce filtrage devient moins efficace. L’esprit entre en état d’hypervigilance, un mode où il amplifie les signaux qu’il perçoit comme gênants ou menaçants. Les corps flottants, qui passeraient inaperçus dans un état de calme, deviennent alors un point de fixation. Plus on y prête attention, plus le cerveau les perçoit. Ce phénomène est similaire à celui observé dans les acouphènes : plus on les écoute, plus ils semblent envahissants.
Des études en neurosciences ont montré que l’attention sélective modifie l’activité du cortex visuel et du thalamus, deux zones impliquées dans le traitement des signaux sensoriels. Lorsque l’on concentre son attention sur un stimulus visuel, son signal est renforcé dans le cerveau (Posner & Petersen, 1990).
Le stress ne se contente pas d’affecter l’attention : il modifie aussi le fonctionnement physiologique des yeux. Lorsqu’une personne est anxieuse, son système nerveux sympathique s’active, déclenchant la fameuse réponse de “combat ou fuite”. Cette activation provoque plusieurs changements qui rendent les corps flottants plus visibles :
Dilatation des pupilles : une pupille plus grande augmente la quantité de lumière entrant dans l’œil, accentuant les contrastes et rendant les flottants plus perceptibles.
Fatigue musculaire : l’anxiété provoque une tension des muscles oculaires, ce qui peut perturber la mise au point et renforcer la perception des flottants.
Augmentation du cortisol : cette hormone du stress altère la plasticité cérébrale et rend plus difficile l’habituation aux stimuli visuels gênants.
Van der Werf et al. (2009) a démontré que le stress chronique modifie le fonctionnement du cortex sensoriel, rendant les stimuli visuels plus intrusifs et difficiles à ignorer.
Une étude en IRM fonctionnelle (Schmidt et al., 2013) a révélé que les personnes anxieuses présentent une hyperactivité du cortex cingulaire antérieur, une zone impliquée dans la focalisation excessive sur les sensations corporelles et visuelles.
L’anxiété et la focalisation excessive sur un stimulus peuvent créer une boucle de renforcement négatif. Plus une personne surveille ses corps flottants, plus son cerveau associe leur présence à une réaction de stress, ce qui renforce inconsciemment leur perception.
Ce mécanisme de conditionnement négatif est bien connu dans d’autres troubles sensoriels comme :
L’hyperacousie (perception excessive des sons), où l’attention exagérée à certains bruits les rend plus insupportables.
Les douleurs chroniques, où le cerveau devient hypersensible à des sensations qui, en temps normal, passeraient inaperçues.
Voici comment cette boucle fonctionne avec les corps flottants :
1️⃣ Présence de corps flottants → 2️⃣ Réaction anxieuse et focalisation → 3️⃣ Hypervigilance et amplification de la perception → 4️⃣ Stress accru → 🔄 Retour à l’étape 1
Le stress est souvent associé à une augmentation du temps passé sur les écrans. Or, fixer un écran pendant des heures réduit le clignement des paupières, ce qui entraîne une sécheresse oculaire. Un œil sec capte davantage les imperfections du vitré, rendant les corps flottants encore plus apparents.
De plus, la fatigue visuelle due à une exposition prolongée à la lumière bleue accentue la perception des flottants. L’œil fatigué peine à s’adapter aux contrastes, ce qui fait ressortir les opacités du vitré.
Des recherches ont montré que la sécheresse oculaire diminue la stabilité du film lacrymal et augmente la perception des imperfections visuelles (Tsubota et al., 2018).
Des études ont montré que les individus présentant une forte activité du réseau de la saillance (une région du cerveau impliquée dans la détection des stimuli gênants) ont plus de mal à ignorer des signaux visuels indésirables (Seeley et al., 2007). Tout le monde n’est pas égal face aux corps flottants. Certaines personnes les oublient rapidement, tandis que d’autres y restent hypersensibles pendant des années. Plusieurs facteurs influencent cette différence :
Le niveau d’anxiété naturel : les personnes anxieuses ou perfectionnistes sont plus enclines à focaliser leur attention sur des détails visuels.
Les antécédents de troubles sensoriels : ceux qui souffrent d’acouphènes, de migraines visuelles ou d’hyperacousie ont souvent un système nerveux plus sensible aux stimuli sensoriels.
L’état de santé général : la fatigue, les carences nutritionnelles (notamment en magnésium et en oméga-3) et certaines pathologies comme la sécheresse oculaire ou les troubles neurologiques peuvent aggraver la perception des flottants.
Peut on briser ce cercle vicieux ?
Si l’anxiété et la focalisation amplifient les corps flottants, alors inverser ce processus peut aider à réduire leur impact. Voici quelques stratégies basées sur les neurosciences :
Détourner son attention : des exercices de distraction cognitive peuvent aider le cerveau à “oublier” progressivement ces intrusions visuelles.
Pratiquer la relaxation : la méditation, la respiration profonde et les techniques de gestion du stress réduisent l’activité du système nerveux sympathique.
Rééduquer le cerveau : des approches inspirées de la plasticité neuronale, comme la compensation perceptive, peuvent entraîner le cerveau à ignorer les flottants plus efficacement.
Conclusion : l’anxiété intensifie réellement la perception des corps flottants
Ce n’est pas une simple impression : le stress et l’attention excessive modifient la manière dont le cerveau traite les corps flottants. Plus on y pense, plus ils semblent présents. Ce phénomène repose sur des mécanismes neurologiques bien établis, impliquant la focalisation visuelle, la réponse au stress et le conditionnement négatif.
Réduire l’anxiété et apprendre à détourner son attention ne font pas disparaître les corps flottants, mais permettent d’en atténuer significativement l’impact, jusqu’à ce que le cerveau les filtre naturellement.
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